Depuis 2011, le mouvement des indignés a secoué l’Europe et le monde, avec des manifestations massives contre l’austérité, la corruption et le pouvoir des élites financières. En Grèce, le mouvement a pris une dimension particulière, en raison de la profonde crise économique et sociale qui a frappé le pays depuis 2008. Mais au-delà de la mobilisation sur la place Syntagma à Athènes, un autre phénomène est apparu : l’alliance entre les indignés, l’anarcho-syndicalisme et les anarchistes d’Exarcheia, un quartier populaire du centre-ville contrôlé par des groupes anarchistes.
L’anarcho-syndicalisme, un courant militant et revendicatif
L’anarcho-syndicalisme est un courant politique et social qui prône la lutte des travailleurs pour la défense de leurs intérêts économiques et sociaux, ainsi que pour la transformation radicale de la société, en vue de l’établissement d’une forme de communisme libertaire. Il s’agit d’une forme d’anarchisme qui met l’accent sur l’organisation des travailleurs, par le biais des syndicats et des grèves, ainsi que sur la participation directe à la gestion des entreprises et des services publics. L’anarcho-syndicalisme est né en Espagne au début du XXe siècle, avec l’organisation syndicale CNT (Confédération nationale du travail), qui a joué un rôle important dans la révolution sociale de 1936.
En Grèce, l’anarcho-syndicalisme a une longue histoire, marquée par la participation active des travailleurs aux luttes sociales et politiques. Les syndicats anarcho-syndicalistes sont regroupés au sein de la Fédération anarchiste de Grèce (OAE), qui compte plusieurs milliers de membres et qui est présente dans de nombreux secteurs professionnels, notamment dans les transports, la santé, l’éducation et les médias. L’OAE est également impliquée dans la défense des droits des migrants et des réfugiés, ainsi que dans la lutte contre le néo-fascisme et le racisme.
Les anarchistes d’Exarcheia, une force militante et contestataire
Exarcheia est un quartier situé au centre d’Athènes, connu pour son histoire militante et contestataire. Depuis les années 1970, Exarcheia est un lieu de rassemblement pour les mouvements sociaux, les artistes, les intellectuels et les marginaux. Le quartier est également un bastion de l’anarchisme, avec de nombreux groupes et collectifs qui prônent l’autogestion, la solidarité et la lutte contre l’Etat et le capitalisme. Les anarchistes d’Exarcheia sont souvent impliqués dans des actions directes, comme des manifestations, des occupations d’immeubles, des sabotages ou des attaques contre les symboles du pouvoir. Ils sont également connus pour leur soutien aux migrants et aux réfugiés, ainsi que pour leur résistance aux politiques sécuritaires et répressives.
L’alliance entre les indignés, l’anarcho-syndicalisme et les anarchistes d’Exarcheia
Lors de l’émergence du mouvement des indignés en Grèce, les militants de l’OAE et d’Exarcheia ont rapidement pris part aux assemblées générales et aux actions de la place Syntagma à Athènes. Ils ont apporté leur expérience et leur savoir-faire en matière d’organisation, de mobilisation et de lutte. Ils ont également proposé une vision plus radicale et anticapitaliste du mouvement, en se focalisant sur la lutte contre l’Etat et les institutions financières, ainsi que sur la construction d’une alternative sociale et politique fondée sur l’autogestion, la solidarité et la coopération.
Cette alliance a été renforcée au fil des années, avec la participation des anarchistes d’Exarcheia aux grèves et aux manifestations organisées par les syndicats anarcho-syndicalistes. Les militants des deux mouvements se sont également mobilisés ensemble contre les politiques d’austérité, les expulsions de logements, les violences policières et les discriminations. Ils ont créé des espaces de convergence et de débat, comme le centre social autogéré « Embros », situé à Exarcheia, qui a été occupé par des militants pendant plusieurs années avant d’être évacué par la police en 2017.
Les défis et les perspectives de cette alliance
L’alliance entre les indignés, l’anarcho-syndicalisme et les anarchistes d’Exarcheia est une expérience originale et stimulante, qui montre la capacité des mouvements sociaux à se renouveler et à se réinventer. Elle témoigne également de l’importance du dialogue et de la collaboration entre les différentes formes d’activisme et de lutte. Cependant, cette alliance doit faire face à des défis importants, notamment celui de la répression policière et judiciaire, qui vise les militants les plus radicaux et les plus visibles. Elle doit également relever le défi de la construction d’une alternative crédible et réaliste, qui puisse répondre aux attentes et aux besoins des travailleurs, des jeunes, des femmes, des migrants et des précaires, tout en restant fidèle aux valeurs de l’anarchisme et de l’autogestion.
En conclusion, l’alliance entre les indignés, l’anarcho-syndicalisme et les anarchistes d’Exarcheia est un exemple inspirant de l’engagement militant et de la créativité politique en Grèce et dans le monde. Elle montre que la lutte pour la justice sociale et la liberté doit s’inscrire dans une perspective globale et intégrale, qui prenne en compte les dimensions économiques, sociales, culturelles et écologiques de la crise actuelle. Elle invite chacun et chacune à participer à cette lutte, en apportant sa contribution, ses idées et ses pratiques, dans un esprit de solidarité et de coopération.